De mon enfance au Port du Légué dans les Cotes d’Armor, je retiens le gout du sel, l’odeur de la marée et de la vase, les hangars et les tas de sable sur les quais, les bateaux qui passent là au bout de la jetée de St Laurent, les filets qui craquent au soleil, des petits cailloux et des bois flottés usés par les vagues et ramassés dans la poche puisque si doux !
Je me rappelle aussi les assemblages d’émerillons et autres matériels de pêche que je fabriquais derrière la caisse du magasin d’accastillage de mes parents quand l’été je travaillais pour eux.
Plus tard, j’ai voyagé en voilier aux Antilles, aux îles Grenadines ou à la réserve des Roques au large du Venezuela.
Tout ceci s’entremêle entre 2014 et 2017 pour une série de peintures à l’huile et dessins que j’intitule Pêcheries
Paysages marins, îles et mangroves, voiliers à l’ancre, barques, horizons lointains, cabanes de pêcheurs, nasses et filets, bouées de casiers, ciels calmes ou tourmentés… autant de sujets qui ne vont pas me quitter durant 3 années.
Je me souviens des vieilles femmes de la rue St Guillaume à St Brieuc. Elles vendaient leurs napperons au pied de l’église , elles mêmes parées de coiffes traditionnelles bretonnes.
En cherchant une représentation poétique aux nasses de pêches , objets utilitaires rouillés, souillés, lourds, j’ai eu envie de créer des oeuvres légères, graphiques, féminines, blanches.
Au départ petits formats jusqu’à 70 cm de haut, j’ai rapidement envisagé des formats plus hauts et large et leur regroupement en installations combinant suspensions et sculptures. Chaque sculpture, unique dans sa forme et sa texture, invite à contempler les interstices de la matière, les vides et pleins qui se jouent de la lumière et de l’ombre. Elles invitent à une réflexion sur l’espace, la forme, et la fonction de l’objet dans l’art contemporain.
Le choix du coton, doux et organique, conjointement à la technique du crochet, traditionnellement associée à l’artisanat domestique, confère à l’œuvre un caractère intime et chaleureux. Personnellement elles sont en lien avec le textile dans mon histoire familiale
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vécu entourée de fils et tissus et de leurs outils associées : aiguilles et crochets, tricotins, machines à coudre…
« Grand-mères, mère, tantes, cousines, sœurs, nous nous montrions nos travaux et échangions nos secrets. Puis tout cela est tombé en désuétude pour moi après l’adolescence, embrigadée dans le manque de temps »
Et voilà que beaucoup d’années après cela, je me remets à m’entourer de toutes sortes de fibres, j’en remplis des tiroirs tout à fait ordonnés, comme autant de curiosités qui me lient à mon enfance bretonne. J’entre dans les merceries, les magasins de tissus, cherche des pièces brodées sur internet, et parfois tombe sur de véritables trésors comme les bobines de jute et de lin de la Maison Larrieu à Bordeaux, une fabrique de filets très ancienne, qui serviront à ma nasse aux nacres.
Nasse aux nacres 2014 – 1600 boutons noués au fil de jute – 200x60cm
Equinoxe est une oeuvre en croissance continuelle , actuellement environ 300x200cm.
Laine feutrée, intissé de coton , papier de soie, papier coton, ficelle de papier, coton crocheté.
C’est une pièce qui a vu le jour autour du poème éponyme de Paule Elisabeth Oddero. Ce poème a lui même été écrit à la suite d’un de mes rêves, que je lui ai raconté.
Je souhaitais produire une oeuvre où les mots seraient présents , et , comme dans la nature, une oeuvre qui pourrait croitre au fur et à mesure des années.
Dans un partage étal de la nuit et du jour
La mer inscrit sur sa palette
Un tant soit peu du brun
Un tant soit peu du rouge alerté par l’absence
C’est le bruit du ressac
Tu te souviens
Les galets dans la nuit
Remués et luisants
Tu te souviens
Des rêves accrochés au varech
Quand la marée remonte puissante et désolée
Et toujours les galets
Ce bruit insignifiant dans la nuit du balcon
Chemin dit des douaniers
Quelque part un naufrage
Tu te souviens
Remuée et luisante
La vague s’est offerte
Au petit jour absent
Un grand croissant de lune
Signe le désaveu
D’un advenu du ciel
Tu te souviens
C’est le naufrage d’une étoile
Sur la chaloupe enluminée
Paule-Élisabeth Oddero (Pêcheries)
Ressac ( 2015 évoque avec poésie le mouvement des vagues. La dentelle ancienne, trelle une écume délicate, se superpose aux tessons de verre polis par la mer. Il y a une dychotomie entre la fragilité du textile et la force des fragments de verre.
Cagette, rubans de mots sur calque, ruban de satin, papier coton et huiles/encres sur papier coton)
